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     Londres, le 8 juillet 1994,

     

       C'est une très grande ville qui a gardé longtemps le titre de plus grande ville du monde. Détrônée depuis par d'immenses agglomérations du Nouveau Monde, elle n'en conservait pas moins son attrait pour moi. Je me disais que je pourrais pas quitter ce pays sans avoir vu Londres bien qu'étant une amoureuse des étendues sauvages plus que grandes villes.

     

       Divine surprise. Grande ville assurément, étendue, tentaculaire mais ambiance feutrée, peu d'agitation tapageuse et pas de bruits superflus. Beaucoup de voitures, de bus mais les avertisseurs sonores ne sont pas utilisés, passages piéton scrupuleusement respectés. Pourtant du monde assurément, des visages de toute la terre, des magasins que je n'avais jamais vu, Paris fait provinciale à côté. 

     

       Des avenues arpentées à pied, des musées visités, des casse-croûtes engloutis à la va-vite, les bus à l'impériale et le métro empruntés, la Tamise contemplée, Trafalgar Square envahi de pigeons...

     

       Mais mon péché mignon, ma marotte du moment, de ces quatre jours vite passés : les parcs londoniens.

     

       Intimidants quand on y rentre, généreux quand on s'y repose. Pas de détritus nulle part, des gens calmes, pas d'individus bizarres essayant de profiter d'une fille étrangère seule. Et l'herbe accueillante, pas d'interdictions, les londoniens s'y reposent, y font un pique-nique, les enfants y jouent.

     

        Hyde Park reste mon préféré et pourtant mon souvenir le plus marquant se déroula dans un autre jardin : Regent's Park. 

     

       Les villes britanniques conviennent mieux à mon tempérament avec ses rues aérées et ses habitants tellement moins sans-gène qu'en France mais tout de même, je suis un rat des champs et je me réfugie dans un des ces grands jardins quand je peux. 

     

       C'est ainsi que je viens me reposer dans Regent's Park assise dans l'herbe sous un arbre près des terrains de tennis. Aussitôt le bruit des balles qui rebondissent sur les raquettes me bercent et je m'endors. Je me réveille une heure après, mon sac à côté de moi que personne ne m'a volé.

     

      Et que vois-je ? Un écureuil. Pas un de ces écureuils roux de nos campagnes françaises mais un écureuil gris*. Ses jolis yeux noirs sont aussi expressifs que celui d'un personnage des dessins animés de Disney. Il se tiens à peu de distance de moi et me regarde comme s'il avait veillé sur mon sommeil. On se contemple longuement. Le temps parait suspendu. J'ai d'un coup l'idée idiote d'essayer de le caresser. Il s'enfuit prestement. J'ai brisé cet instant de magie. Penaude, je n'ai plus qu'à me lever et quitter cet endroit. Demain, je rentre en France et mon "aventure" britannique qui aura duré neuf mois s'achève.

     

     

    * L'écureuil gris, originaire d'Amérique du Nord, est une espèce invasive en Grande-Bretagne où il a supplanté l'écureuil roux européen en détournant la nourriture à son profit...

     

     

     

     

     

        Et comme musique, je ne savais pas trop quoi mettre sinon ce tube que j'ai entendu à peu près pendant tout mon séjour britannique qui avait fini par m'agacer à l'époque à force de l'entendre mais que je réécoute maintenant avec une certaine nostalgie....

     

     

     

     


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    Stastny Novy Rok !*

    Pribram (République Tchèque)

     

    Pribram, le 1er janvier 1996,

     

       La nuit dernière. Le réveillon le plus original de ma vie. Et le premier passé à l'étranger. Titillée par l'envie de me rendre dans ce pays où j'étais invitée par des tchèques et un français résidant à Prague. Je les avais rencontré aux vendanges que j'ai fait plusieurs années de suite de 1991 à 1995 dans le Beaujolais. Gens extraordinairement doux et gentils, amateur de musique et de bière... J'ai eu le béguin pour certains d'entre eux d'ailleurs et dans les rues de Prague où j'ai passé quelques jours, j'ai souvent croisé des hommes très séduisants, regards souvent clair.... 

     

       Rejoints par des amis qui habitent Pribram, une petite ville du centre du pays, nous quittons Prague en car pour passer le réveillon à la campagne. Nous allons d'abord à Pribram, petite ville industrielle avec beaucoup d'immeubles datant de l'ère communiste. C'est là que vit Daniel et sa femme Lucie. Ils sont obligés de cohabiter avec les parents de Daniel car ils n'arrivent pas à trouver un logement. Pourtant, ils ont du travail tous les deux, ils sont professeurs. Néanmoins, ils sont obligés de rester chez les parents avec leur bébé de trois mois et j'imagine que cela n'est pas facile, voire humiliant. 

     

       Nous passons la soirée dans un bar du quartier. Un endroit qui me rappelle les pubs irlandais : chaleureux, confortable et où l'on sert bon nombre de verre de pivo (bière). Réunis à une grande table, Daniel, Dusan et d'autres amis jouent de la guitare et chantent dans une ambiance extraordinairement bon enfant, joyeuse et sans prétention ou tout le monde cherche seulement à s'amuser et non pas à se rendre plus intéressant que le voisin. Cela me plait beaucoup au point que j'essaye de chanter enfin, je fredonne, et boit de la bière, beaucoup, je n'en ai jamais autant bu de ma vie en une soirée, au moins trois litres mais une bière d'une telle qualité que si je suis un peu ivre, je ne serai pas malade et me léverai en pleine forme le lendemain matin. Je crois que c'est à la suite de cette expérience tchèque que je ne peut plus supporter du tout de boire une bière dans un bar français. Elle est habituellement glacée et de mauvais qualité...

     

       Le lendemain nous partons, cette fois en voiture pour la maison de campagne de Daniel et de sa famille. C'est la maison de leurs ancêtres paysans dans une campagne douce et boisée et, à cette époque, recouverte d'une épaisse couche de neige. Il y fait un froid du diable et la première chose que font mes amis tchèques, c'est d'allumer un poèle ancien en céramique qui ne tarde pas à diffuser une douce chaleur. Je me sens au bout du monde, pourtant on est qu'en Europe Centrale mais c'est un endroit ou ne vont aucun touristes. Un petit hameau ordinaire.

    Je me sens ainsi privilégiée... Mes hotes bavardent, beaucoup, en tchèque bien sur, et m'oublient un peu. Seul un petit bonhomme de deux ans s'occupe de moi. C'est le fils d'un couple d'amis de mes hôtes. Il vient me parler et je lui répond, en français bien évidemment. Je préfère encore lui parler même si je sais qu'il ne comprend pas plutôt que de ne pas répondre du tout. En entendant ce qui lui semble du charabia, il me regarde l'air songeur et repose la même question. Je lui dit que j'aimerais bien lui répondre, mais que je viens d'un autre pays et que je parle pas comme lui. Il me regarde de plus en plus intrigué et me repose la même question avec insistance l'air de dire "mais tu ne comprend rien toi !" c'était très drôle.

     

       Nous sommes le soir de la Saint-Sylvestre, on allume la télé pour être surs de l'heure. On y voit une sorte d'émission de variété où se produisent des chanteurs visiblement traditionnels, rien à voir avec les paillettes de chez nous. Puis à la télé, les gens semblent tous contents. Il est minuit. Nous sommes le 1er janvier 1996. De mon côté, pas d'effusions excessives. Tout le monde se lève très digne, brandit son verre et entonne tous en même temps, l'air très solennel : stastny novy rok ! *

     

       On s'embrasse. En fait, je ne suis plus très sure car les tchèques ne s'embrassent pas beaucoup. Puis on décide de fêter la nouvelle année dans un bar situé à quelques encablures de la maison dans le village. En fait, on y va à pied dans la neige par un petit chemin. C'est superbe, la campagne est éclairée par la Lune et offre un panorama de forêts de conifères. Il fait sérieusement froid vu qu'il ne faisait que -20° dans la journée... Mais je ne le sens pas.

     

       Le café du village est un authentique bistrot de campagne comme on en voyait en France encore dans les années 1970. Nous sommes accueillis par des villageois souvent agés, très chaleureux. On me sert de la bière, de la Velkopopovicky Kozel. "Kozel" veut dire chèvre et c'est en effet une chèvre qui est dessiné sur l'étiquette. Une bière quelconque en République Tchèque mais je la trouve tout bonnement délicieuse.

     

    Stastny Novy Rok !*

     

     

      La bonne humeur de tous ces gens est contagieuse et j'en arrive, moi qui ne sait pas danser, à partager des valses avec plusieurs papys présents dans le café et aussi avec certains des amis. Je bois encore beaucoup et les autres aussi. Lorsque nous rentrons dans la froidure sur le petit chemin, nous chantons, rions sans arrêt et un des amis que j'adore, Dusan, crie tout le temps en français "je suis vieux ! je suis très vieux !" (il allait sur ses trente ans.......)

     

       Changement de décor. Le lendemain de ce réveillon chaleureux et extraordinaire, certains des convives partent de leur côté en voiture et moi  je reviens à Pribram ramenée par le père de Daniel avec une de ses anciennes Skoda qui date de l'ère communiste. Nous trouvons la maman en train de regarder la télé. Ivana, la soeur de Daniel, m'explque que sa maman est malade et regarde tout le temps à la télé des séries débiles, comme par exemple Dallas que les tchèques découvrent seulement. Ivana et Daniel me servent à manger en s'excusant de la pauvre variété de la nourriture dans leur pays. Je suis stupéfaite. Ils me servent une assiette vraiment copieuse et ils me disent cela ! Je leur explique que pour le moment je me régale avec la cuisine locale qui colle parfaitement au climat : beaucoup de chou, de pommes de terre, de knedliky (sortes de quenelles) et de viande en sauce. Il faut dire que les français sont généralement pénibles avec ça mais moi en voyage, ce qui compte c'est de ne pas avoir faim et en République Tchèque, on mange abondamment pour pas cher et en plus, je suis plutôt friande de choses simples.

     

      Ivana m'emmène dans sa chambre pour se confier. Elle a vécu plusieurs mois avec Gilles, le copain qui m'héberge à Prague et étaient très amoureux mais malheureusement, il l'a trompé avec une autre française qui vit aussi avec un tchèque, Josef, que je connais aussi. Elle pleure presque. Je ne sais pas ce qui s'est passé sinon que Gilles m'a aussi parlé d'Ivana quelques jours auparavant avec du regret aussi. Je ne court pas après les filles mais Ivana est vraiment superbe, une fille de toute beauté et très gentille. Dommage. C'est une ambiance triste qui règne dans cet appartement avec le chagrin d'Ivana et la maladie de sa mère qui fait à peine attention à moi. Daniel vient me voir d'un air désolé, que vu l'exiguité des lieus, il valait mieux que je reparte à Prague. Je crois qu'il s'est disputé avec sa femme qui ne supporte pas qu'il ait bu pour le Nouvel An... il m'emmène à un car qui doit me ramener à Prague. Je lui en veut pas, il a l'air si gentil et triste et il y a des gens qui n'ont pas la vie facile. Je le lui dit, que ce ne doit pas être évident de cohabiter avec ses parents, qu'il m'avait accueilli avec gentillesse et amitié et qu'il était la bienvenue chez moi. J'ai l'impression que je ne le reverrai pas et que c'est pour ça que je lui parle comme ça.

     

    Et le car démarre....

     

    * Bonne nouvelle année !

    Stastny Novy Rok !*

     

     


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  • Pinerolo

     

    Pinerolo (Pignerol en français), Italie (Piémont, province de Turin)

     

    Pignerol, le 12 avril 1997,

     

    Qui a dit que pour l'évasion il fallait prendre l'avion et voler 10000 kilomètres pour rencontrer des peuplades étranges ? Pas moi, en tout cas, l'autre côté des Alpes me suffit. C'est la deuxième fois que je franchit cette forteresse pour aller voir nos voisins italiens et pour une expérience pour moi unique : interprèter une pièce de théatre avec mes amis d'une troupe de théâtre amateur.

     

    Cela fait deux ans que je participe à la préparation de spectacles théatraux  dans le cadre du centre culturel d'un village du Luberon. Préparations qui se font généralement dans la bonne humeur et qui finissent par des repas arrosés de vin de pays... 

     

       Le Luberon, aujourd'hui malheureusement tombé dans le snobisme et le tourisme de masse a été une région qui avait adopté une nouvelle religion, la religion vaudoise (du nom de son principal prédicateur Pierre Valdés), une sorte de protestantisme avant l'heure à peu près comtemporaine du catharisme. Et évidemment, ces gens qui ne pensaient pas comme tout le monde n'ont pas tardé à être persécutés et à la Renaissance, un seigneur du coin, le baron d'Oppède a fomenté un massacre de vaudois dans la région et a détruit le vieux village de Mérindol (près de Cavaillon). Beaucoup de vaudois se sont enfuit dans le fin fond des Alpes notament à Freissinière, un petit village dans le massif des Ecrins et la persécution continuant, certains ont passé les Alpes et se sont réfugiés dans la vallée piémontaise du Val Pellice près de Pignerole.

    Dans les années 90, des liens culturels se sont noués entre le centre culturel du village de Cucuron dans le Luberon et la communauté vaudoise du village d'Angrogna dans le Val Pellice et des amitiés s'étaient crées. C'est pour cela que pour ce week-end de Pâques 1997, les cucuronnais traversent les Alpes par le col du Montgenèvre au dessus de Briançon. On part à plusieurs voitures sauf moi et mon compagnon qui sommes en moto. Mine de rien, je suis habituée à voyager (quatre pays visités entre 1993 et 1995 !) plus deux brèves incursions au Luxembourg et en Allemagne en 1996. Voyager pour moi est normal. C'est vrai que je ne vais pas très loin, uniquement en Europe mais malgré ce qui nous rapprochent et la mondialisation qui avance à grand pas, on a toujours des surprises et des choses à observer chez les autres européens. Et ici, en Italie, après cette magnifique traversée des Alpes, je retrouve ces voiturettes à trois roues et les vespa. les vallées alpines ne sont que d'autres vallées alpines mais on sent qu'elles ont été aménagées par des hommes aux habitudes un peu différentes.

     

       Les gens qui nous accueillent sont des italiens, toujours chaleureux, mais ce sont des vaudois, des italiens un peu particuliers, parlant couramment français avec un sens de l'organisation très protestante et la simplicité des gens de la montagne... J'apprécie immédiatement leur savoir-vivre et pour ne pas changer, ce sont nous les français qui manquont de politesse car mis à part moi et mon copain et un autre couple tous les autres arrivent très en retard avec des prétextes tous aussi peu crédibles les uns que les autres....

     

      La chaleur et la réactivité du public italien lorsque nous avons interprété notre pièce devant eux est pour moi le meilleur souvenir de ma brève et très modeste expérience de comédienne de théâtre. Les interjections et les rires fusent et nous vivons une symbiose énergisante qui donne à notre prestation un rythme que nous n'avons pas connu lors de nos interprétations en France.

     

      Celà et les si typiques plat de spaghetti et le café bien corsé et goûteux servis par nos hôtes, une famille du village voisin de Torre Pellice, la traversée des Alpes en moto (tout doucement, surtout pas au pas de charge !) restent encore dans ma tête comme une vraie expérience européenne, loin des oukazes de Bruxelles.....

     

       Une chanson ? oui, il y en avait une qui me trottait dans la tête lorsque j'ai traversé les Alpes à l'aller, une chanson italienne justement qui a été un succès à l'époque :

     

     

    Andrea Bocelli est à l'origine un chanteur lyrique mais a eu un grand succès avec cette chanson de "variété". Un choix de ma part peut-être un peu cliché, mais je ne connais pas grand chose en chansons italiennes.... Une chanson que je trouve pleine de charme néanmoins.

     

     

    Torre Pellice

     

    Torre Pellice où nous avons (bien) dormi...

     


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