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Avec trois fois rien (37ème salon d'écriture)
Pour le 37ème salon d'écriture d'André, on nous a proposé d'écrire un texte commençant par la première phrase du roman de Christian Signol "La Grande Île" : "Nous étions tous des enfants libres et sauvages, heureux comme on l'est à cet âge, à l'aube sans fin de nos vies."
C'est ma première participation à ce salon, j'ai trouvé cette phrase magnifique et elle m'a inspiré... ce qui suit :
Nous étions tous des enfants libres et sauvages, Heureux comme on l'est à cet âge dans l'aube sans fin de nos vies.
On jouait avec trois fois rien : un bout de bois, un vélo cassé, une cabane en planches vermoulues, une ficelle, un pistolet en plastique et surtout une imagination débordante.
On devenait le temps d'une récrée des cowboys, des justiciers, des magiciens et des chevaliers, invincibles et indomptables. Aux yeux des adultes nous étions une réalité intangible...
Nos rues grisâtres et sans attrait, cet alignement de masures identiques et une usine
comme seul horizon devenaient notre jardin secret et notre paradis où nous cueillions les fruits défendus. On chipait des bonbons chez l'épicier, on allait sonner chez monsieur le curé et on courait se cacher en étouffant nos rires. On avait bien droit à quelques remontrances mais elles étaient bien vite oubliées, bien vite pardonnées. L'autorité avant les temps modernes de l'insécurité...
On était des pauvres, des enfants d'ouvriers, des méprisés, des oubliés, des relégués mais nos quartiers étaient grouillants de vie, enfants de tout âge batifolants, criants dans ces rues ignorées mais pleine d'énergie, celle que les dominants craignaient de voir déborder sur leurs cages dorées. En ce temps de l'innocence, nous l'ignorions, et la vie, nous l'abordions frontalement, indifférents que nous étions aux codes sociaux étouffants du monde des adultes.
Des décennies plus tard, cheveux grisonnants, je suis revenu visiter mon ancien quartier. Il avait disparu. Mémoire enfouie, histoires piétinées. On l'avait rasé pour construire à la place un centre commercial et un hôtel de luxe. Mes copains étaient partis depuis longtemps pour des vies rangées, des vies renoncées, des vies d'émigrés.
Et moi qui depuis avait vu tant de contrées, admiré tant de beautés, conquis des horizons inespérés, je n'oublierais jamais le plus beau lieu que je n'aurais jamais vu de ma vie, qui n'avait existé que dans l'âme de l'enfant que je n'étais plus depuis longtemps et qu'aucun promoteur immobilier ne pouvait détruire.
Tags : vie, , enfant, des , sans
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Commentaires
1Libre necessiteMardi 14 Juin 2011 à 17:10Répondre
pas besoin de cage dorée
bisous et bonne soirée
Jonas8GaïaMercredi 11 Juillet 2012 à 22:05
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