• Avec trois fois rien (37ème salon d'écriture)

     

    Pour le 37ème salon d'écriture d'André, on nous a proposé d'écrire un texte commençant par la première phrase du roman de Christian Signol "La Grande Île" : "Nous étions tous des enfants libres et sauvages, heureux comme on l'est à cet âge, à l'aube sans fin de nos vies."

     

    C'est ma première participation à ce salon, j'ai trouvé cette phrase magnifique et elle m'a inspiré... ce qui suit :


     

    enfants de Belfast - 1969

     

     

     

       Nous étions tous des enfants libres et sauvages, Heureux comme on l'est à cet âge dans l'aube sans fin de nos vies. 


       On jouait avec trois fois rien : un bout de bois, un vélo cassé, une cabane en planches vermoulues, une ficelle, un pistolet en plastique et surtout une imagination débordante. 


       On devenait le temps d'une récrée des cowboys, des justiciers, des magiciens et des chevaliers, invincibles et indomptables. Aux yeux des adultes nous étions une réalité intangible... 


       Nos rues grisâtres et sans attrait, cet alignement de masures identiques et une usine 

    comme seul horizon devenaient notre jardin secret et notre paradis où nous cueillions les fruits défendus. On chipait des bonbons chez l'épicier, on allait sonner chez monsieur le curé et on courait se cacher en étouffant nos rires. On avait bien droit à quelques remontrances mais elles étaient bien vite oubliées, bien vite pardonnées. L'autorité avant les temps modernes de l'insécurité... 


       On était des pauvres, des enfants d'ouvriers, des méprisés, des oubliés, des relégués mais nos quartiers étaient grouillants de vie, enfants de tout âge batifolants, criants dans ces rues ignorées mais pleine d'énergie, celle que les dominants craignaient de voir déborder sur leurs cages dorées. En ce temps de l'innocence, nous l'ignorions, et la vie, nous l'abordions frontalement, indifférents que nous étions aux codes sociaux étouffants du monde des adultes. 


       Des décennies plus tard, cheveux grisonnants, je suis revenu visiter mon ancien quartier. Il avait disparu. Mémoire enfouie, histoires piétinées. On l'avait rasé pour construire à la place un centre commercial et un hôtel de luxe. Mes copains étaient partis depuis longtemps pour des vies rangées, des vies renoncées, des vies d'émigrés. 


       Et moi qui depuis avait vu tant de contrées, admiré tant de beautés, conquis des horizons inespérés, je n'oublierais jamais le plus beau lieu que je n'aurais jamais vu de ma vie, qui n'avait existé que dans l'âme de l'enfant que je n'étais plus depuis longtemps et qu'aucun promoteur immobilier ne pouvait détruire.

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Mardi 14 Juin 2011 à 17:10
    Libre  necessite
    Joli texte de nostalgie. Certains lieux de notre jeunesse semblent immuables d'autres ne ressemblet plus à rien . Amicalement dan
    2
    Elo
    Mardi 14 Juin 2011 à 18:02
    Elo
    Ta première participation est plus qu'une réussite. J'ai des frissons dans le dos à te lire ! J'adore !!!!!!!!!!! Bises
    3
    Mardi 14 Juin 2011 à 18:20
    Nina Padilha
    Magique et tellement beau !
    J'applaudis avec force !
    4
    Mardi 14 Juin 2011 à 20:06
    Line
    magnifique, j'ai adoré ta façon de raconter cette partie de ton enfance qui malgré la pauvreté a été heureuse

    pas besoin de cage dorée

    bisous et bonne soirée
    5
    Mardi 14 Juin 2011 à 23:20
    les mots écrits de J
    Une texte juste pour des souvenirs bien réels. Beau travail Esclarmonde, tu peux être fière de ta participation à ce salon.
    Jonas
    6
    Mercredi 15 Juin 2011 à 07:31
    katara
    Ton texte me met en tête la chanson de Bruel, rendez-vous dans dix ans. belle journée esclarmonde
    7
    Mercredi 15 Juin 2011 à 19:56
    ADAMANTE
    Le jardin secret, indestructible, où vit l'enfant quand l'adulte ne l'a pas totalement tué.
    8
    Gaïa
    Mercredi 11 Juillet 2012 à 22:05
    Gaïa
    Texte à la fois vrai et bouleversant.Nos souvenirs rien ni personne ne peuvent nous les voler .Merci .
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