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       "Quoiqu'il en soit, il est difficile de se représenter autrement que comme contradictoire un processus que l'on peut résumer de la façon suivante : pour progresser, il faut que les hommes collaborent ; et au cours de cette collaboration, ils voient graduellement s'identifier les apports dont la diversité initiale était précisément ce qui rendait leur collaboration féconde et nécessaire.

       Mais même si cette contradiction est insoluble, le devoir sacré de l'humanité est d'en conserver les deux termes également présents à l'esprit, de ne jamais perdre de vue l'un au profit exclusif de l'autre ; de se garder, sans doute, d'un particularisme aveugle qui tendrait à réserver le privilège de l'humanité à une race, une culture ou une société ; mais aussi de ne jamais oublier qu'une fraction de l'humanité ne dispose de formules applicables à l'ensemble, et qu'une humanité confondue dans un genre de vie unique est inconcevable, parce que ce serait une humanité ossifiée."

    Claude Lévi-Strauss - Race et histoire 

     


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  • Eloge de l'amour

     

     

       "C'est vrai, Paris a été couvert d'affiches pour le site de rencontres Meetic, dont l'intitulé m'a profondément interpellé. Je peux citer un certain nombre de slogans de cette campagne publicitaire. Le premier dit - et il s'agit du détournement d'une citation de théâtre - "ayez l'amour sans le hasard !" Et puis, il y en a un autre : "on peut être amoureux sans tomber amoureux !" Donc pas de chute n'est-ce pas ? Et puis, il y a aussi : "vous pouvez parfaitement être amoureux sans souffrir !" Et tout ça grâce au site de rencontres Meetic... qui vous propose de surcroît - l'expression m'a paru tout à fait remarquable - un "coaching amoureux". Vous aurez donc un entraîneur qui va vous préparer à affronter l'épreuve. Je pense que cette propagande publicitaire relève d'une conception sécuritaire de l"'amour". C'est l'amour assurance tout risque : vous aurez l'amour, mais vous aurez si bien calculé votre affaire, vous aurez si bien sélectionné d'avance votre partenaire en pianotant sur internet, qu'au terme de cette immense combinaison vous pourrez vous dire : "avec celui-là, ça va marcher sans risques !" Et ça, c'est une propagande c'est intéressant que la publicité se fasse sur ce registre-là. Or, évidemment, je suis convaincu que l'amour, en tant qu'il est, pour quasiment tout le monde, la chose qui donne à la vie intensité et signification, je pense que l'amour ne peut pas être ce don fait à l'existence au régime de l'absence totale de risques. Ca me paraît un petit peu comme la propagande qu'avait faite à un moment donné l'armée américaine pour la guerre "zéro mort".

     


     

    Eloge de l'amour


       C'est un peu le même monde, tout ça. La guerre "zéro mort", l'amour "zéro risque", pas de hasard, pas de rencontre, je vois là, avec les moyens d'une propagande générale, une première menace sur l'amour, que j'appellerai la menace sécuritaire. Après tout, ce n'est pas loin d'être un mariage arrangé. Il ne l'est pas au nom de l'ordre familial par des parents despotiques, mais au nom du sécuritaire personnel, par un arrangement préalable qui évite tout hasard, toute rencontre, et finalement toute poésie existentielle, au nom de la catégorie fondamentale de l'absence de risques. Et puis, la deuxième menace qui pèse sur l'amour, c'est de lui dénier toute importance. La contrepartie de cette menace sécuritaire consiste à dire que l'amour n'est qu'une variante de l'hédonisme généralisé, une variante des figures de la jouissance. Il s'agit ainsi d'éviter toute épreuve immédiate, toute expérience authentique et profonde de l'altérité dont l'amour est tissé (...) Nous avons là les deux ennemis de l'amour, au fond : la sécurité du contrat-assurance et le confort des jouissances illimitées."

     

       Je crois en effet que libéral et libertaire convergent vers l'idée que l'amour est un risque inutile. Et qu'on peut avoir d'un côté une espèce de conjugalité préparée qui se poursuivra dans la douceur de la consommation et de l'autre des arrangements sexuels plaisants et remplis de jouissance, en fait l'économie de la passion. De ce point de vue, je pense réellement que l'amour, dans le monde tel qu'il est, est pris dans cette étreinte, dans cet encerclement, et qu'il est, à ce titre, menacé. Et je crois que c'est une tâche philosophique parmi tant d'autres, de la défendre. Ce qui suppose, probablement, comme le disait Rimbaud, qu'il faut le réinventer aussi. Ca ne peut pas être une défensive par la simple conservation des choses. Le monde est en effet rempli de nouveautés et l'amour doit être aussi pris dans cette novation. Il faut réinventer le risque de l'aventure contre la sécurité et le confort."


    Alain Badiou (Eloge de l'amour)


     

    Eloge de l'amour


    Extrait que j'ai trouvé dans le site d'actualité en ligne rue89 il y a déjà deux ans, dans un commentaire d'un internaute que je remercie ici. C'était une discussion sur le film Bright Star de Jane Campion qui relate l'histoire d'amour impossible entre le poète anglais John Keats et une jeune fille, Fanny Brawne il y a deux siècles de celà.


    Je ne sais pas si le film est réussi du point technique, jeux des acteurs, etc... car je ne l'ai toujours pas vu mais j'ai été sidérée par le mépris de commentaires du "boboland" branché au sujet du film et sa sentimentalité assumée et l'absence de scènes de sexe (forcément, vu que cet amour était restée platonique), un cynisme et un mépris qui m'avait sidéré ! Ne laissons pas un petit milieu s'emparer de ce qui relève de notre intimité et ne passons pas, pour être modernes, d'un carcan religieux à un carcan libéral-libertaire, tout carcan est néfaste selon moi.


    C'était mon  billet d'humeur du samedi ! En attendant la Saint-Valentin (pfff...)



     

    Eloge de l'amour

     

     

     



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    Cultiver la planète

    Ruisseau des Eaux Chaudes près de Digne-les-Bains, octobre 2011


     "Nous vivons dans une société libre sur cette planète merveilleuse que nous sommes en train de détruire, et quand je prononce cette phrase, je songe aux merveilles de cette planète, je pense par exemple à la mer Egée, aux montagnes enneigées, je pense à la vue du Pacifique depuis un coin d'Australie, je pense à Bali, aux Indes, à la campagne française qu'on est en train de démolir et de désertifier. Autant de merveilles en voie de démolition. Je pense que nous devrions être les jardiniers de cette planète. Il faudrait la cultiver. La cultiver comme elle est et pour elle-même. Et trouver notre vie, notre place relativement à cela. Voilà une énorme tâche. Et tout cela pourrait absorber une grande partie des loisirs des gens, libérés d'un travail stupide, productif, répétitif, etc. Or cela, évidemment, c'est très loin non-seulement du système actuel mais de l'imagination dominante actuelle. L'imaginaire de notre époque, c'est l'imaginaire de l'expansion illimitée, c'est l'accumulation de la camelote : une télé dans chaque chambre, un micro-ordinateur dans chaque chambre.... c'est cela qu'il faut détruire. Le système s'appuie sur cet imaginaire qui est là et qui fonctionne."


    Cornelius Castoriadis - Post-scriptum sur l'insignifiance.



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       "Le terme d'égalité a servi de couvert à un régime {marxiste-léniniste} où les inégalités réelles étaient en fait pires que celle du capitalisme. Nous ne pouvons pas pour autant oublier qu'il n'y a pas de liberté politique sans égalité politique et que celle-ci est impossible lorsque des inégalités énormes de pouvoir économique, directement traduit en pouvoir politique, existent et s'accentuent.

        L'idée de Marx que l'on pourrait éliminer marché et monnaie est une utopie incohérente. Le comprendre ne conduit pas à avaliser la toute-puissance de l'argent, ni à croire à la "rationnalité" d'une économie qui n'a plus rien à voir avec un véritable marché et ressemble de plus en plus à un casino planétaire. Ce n'est pas parce qu'il n'y a pas de société sans production et consommation que celles-ci doivent être érigées en fins ultimes de l'existence humaine - ce qui est la substance effective de l'"individualisme" et du "libéralisme" d'aujourd'hui.

     

       Ce sont là quelques-unes des conclusions auxquelles doit mener l'expérience combinée de la pulvérisation du marxisme-léninisme et de l'évolution du capitalisme contemporain. Ce ne sont pas celles que l'opinion en tirera dans l'immédiat. Mais lorsque la poussière se sera dissipée, c'est à elles que l'humanité devra en venir, à moins de continuer sa course vers un toujours plus illusoire qui, tôt ou tard, se fracassera contre les limites naturelles de la planète, si elle ne s'effondre déjà auparavant sous le poids de son néant de sens."

     

    Cornélius Castoriadis - La montée de l'insignifiance (1996). Cet extrait est en fait tiré d'un article du Monde paru en 1990.


    Cornélius Castoriadis (1922-1997) est né en Grèce et s'est installé en France en 1945. Il était philosophe, économiste et psychanalyste. Il s'est interessé au concept d'autonomie individuelle et collective comme projet de société et renvoyait dos à dos le système communiste type URSS et le capitalisme. Je n'ai lu qu'une partie d'un de ses derniers ouvrages "la montée de l'insignifiance" qui est pas mal accessible et je vous conseille un entretien qu'il avait eu avec le journalisme de France Inter Daniel Mermet en novembre 1996. Dans cette excellente vulgarisation de sa pensée, ce qu'il exprime pourrait avoir été enregistré hier... On est loin des faux philosophes de la télé ! Et si la lecture de la philosophie n'est pas mon activité principale, loin s'en faut, les philosophes restent quand-même indispensables, je parle évidemment de ceux qui éclairent vraiment notre esprit et, de temps en temps, je me penche sur certains d'entre eux et je lis des extraits ou des citations que l'on trouve facilement sur internet.


     

    Casino planétaire

     

     

      Demain, encore une petite dose de Castoriadis avant un dimanche certainement en musique.... 




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    Sans-abri aux Etats-Unis (photos trouvées sur Google images)

     

    "Je pense que les institutions bancaires sont plus dangereuses pour nos libertés que des armées entières prêtes au combat. Si le peuple américain permet un jour que des banques privées controlent leur monnaie, les banques et toutes les institutions qui fleuriront autour des banques priveront les gens de toute possession, d'abord par l'inflation, ensuite par la récession, jusqu'au jour où leurs enfants se réveilleront, sans maison et sans toit, sur la terre que leurs parents ont conquis." Thomas Jefferson (1802)

     

       Thomas Jefferson est l'un des "pères fondateurs" de la nation américaine et a été le troisième président des Etats-Unis de 1801 à 1809. Nulle doute qu'il tomberait des nues en voyant ce qu'est devenu son pays et le monde !

     

       J'ai trouvé cette citation affichée au GRETA (centre de formation pour adultes) à Digne et elle circule pas mal sur le net y compris aux Etats-Unis. Faites circuler !!



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