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"Muse" : amour et littérature
"Il n'est pas d'une beauté conventionnelle ; son bouc lui donne un air louche. Une figure comme une brosse à chaussures, dit parfois Sara. Il ressemble un peu à une caricature de l'homme irlandais dans un vieux numéro de Punch, la gazette satirique : renfrogné, lunatique, à peine civilisé. Cependant, ce n'est pas l'Irlandais typique : il adore écouter."
"Seul un Américain écrirait une pièce intitulée Un tramway nommé désir. Un anglais la nommerait Un autobus baptisé intérêt transitoire."
"Muse" (titre original Ghost Light) est un roman irlandais paru en France aux éditions Phébus. L'auteur, Joseph O'Connor (le frère de la chanteuse Sinead O'Connor) a été déja remarqué pour plusieurs romans notament "Les bons Chrétiens" et "L'étoile des mers", tous édités chez Phébus.
John Millington Synge (prononcez : "sing") est l'un des dramaturges irlandais les plus célèbres et sa renommée a dépassée largement les frontières de son pays, son oeuvre la plus célèbre est probablement"Le balladin du monde occidental"(The Playboy of the Western World) dont je reparlerai une autre fois. Membre de l'aristocratie protestante irlandaise (le pays était encore sous le joug du Royaume Uni), il a vécu une histoire d'amour avec une actrice irlandaise originaire d'un milieu pauvre et sensiblement plus jeune que lui, Maire O'Neill, de son vrai nom Molly Allgood.
A gauche Synge et à droite Maire O'Neill interprètant Pegeen, le principal rôle féminin du "Balladin du monde occidental".
On suit Molly au crépuscule de sa vie à Londres en 1952 où elle vit dans un misérable appartement. Naguère une actrice célèbre, elle est tombée dans la déchéance à cause de l'alcool et elle survit péniblement avec un très maigre pécule. Le roman se passe l'espace d'une journée où elle doit aller interpréter un rôle dans le cadre de la diffusion radiophonique d'une pièce d'un autre dramaturge irlandais, Sean O'Casey.
La déchéance de cette dame âgée semble terrible mais elle n'a pas perdu ni sa vivacité d'esprit, ni sa grande spontanéité et sa franchise un peu brutale qui l'a rend extrèmement humaine et attachante. Tout au long de sa journée londonienne, on suit ses pensées qui l'a ramène bien des années auparavant à Dublin et ses alentours à l'époque, où jeune actrice débutante, elle noue une liaison avec Synge.
Cette amour se heurte aux convenances de l'époque : différence d'âge : elle a 19 ans, il en a 37 et surtout différences de religions et de statut social (qui dans l'Irlande de l'époque se confondent). Ils doivent ruser pour se rencontrer dans l'intimité et la seule fois où Synge l'a présente à sa famille, celle-ci fait le strict minimum de convenance avant de la congédier poliment....
Selon l'aveu de l'auteur lui-même, cette relation qui a existé vraiment, est largement romancée mais on est loin de tout romantisme. Synge est très gravement malade et décèdera quelques mois plus tard et Molly est bien trop tranchante et rebelle pour que l'on dérive vers la mièvrerie.
Comme souvent en Irlande (enfin c'est ce que j'ai remarqué), on oscille constament entre humour et tristesse, entre farce et tragédie. Un passage qui m'a marqué est la visite de Molly chez la mère de John : elle est une caricature de bougeoise protestante bien-pensante, se préoccupant de l'hygiène du peuple irlandais avec toute la condescendance de la personne de haut-rang se donnant bonne conscience..... Et inversement, John se heurte à la franchise brutale et sans détour de la famille de Mollly, sa grand-mère en particulier....
Cette scène, narrée sous la forme d'une pièce de théatre m'a beaucoup fait rire mais un rire un peu acide, cette scène mettant en évidence le fossé entre les préoccupations romantiques, intelllectuelles et utopiste de Synge et les préoccupations bien plus terre à terre de cette famille très pauvre.
Les digressions et les propos que certains jugeraient "partants dans tous les sens" sont nombreux dans le roman surtout à la fin lorsque Molly fait une lettre très touchante mais très foisonnante à son amant... Cela pourrait en rebuter certains comme je l'ai constaté en lisant certaines critiques sur d'autres blogs. Mais moi, j'ai passé un bon moment !
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Tags : synge, molly allgood, littérature, théatre, amour, irlande
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Commentaires
Ton article m'a beaucoup plu . J'ai très envie de découvrir cet auteur .
Merci Esclarmonde , je suivrai avec grand intérêt chacune de tes publications !
Bisous, Plume .
A mon tour de découvrir ton blog et un autre Irlandais dont j'avais beaucoup aimé Inishowen. Je lirai celui-ci... un jour...
@ Jonas, O'Connor a écrit si je me trompe pas six ou huit autres romans, je vais essayer d'en lire d'autres, ma médiathèque en possédant plusieurs. Bises
Esclarmonde
@ Plume, j'ai au minimum, deux articles encore à faire pour le challenge irlandais, un sur la musique et l'autre sur de leurs grands classiques de la littérature, l'intérêt étant si possible, parler d'artistes pas ou peu connus en France, c'est passionnant. Bisous
Esclarmonde
@ Anne, merci beaucoup pour votre visite, je compte aussi lire d'autres livres de O'Connor... un jour ! Bonne soirée
Esclarmonde
N'ayant pas lu ce livre, j'ignore si ta critique est objective ou un peu influencée par ton amour de l'Irlande. Mais en tous cas, moi ça me donne très envie de le lire. But atteint !
Belle invitation à nous faire lire ce roman irlandais. La dame doit avoir du caractère ( c'est l'idée que je me fais des irlandaises ) . Lui peut s'adonner à l'idéologie et au romantisme : il ne semble pas avoir de soucis matériels ! Et surtout j'adore osciller entre humour et tristesse. Merci de nous faire part de ton ressenti. Bonne soirée Bises Le Chaton
merci du petit mot sur Rory Gallagher, du coup, je fais un tour par ici. Un auteur que je ne connais pas, au contraire de sa célébrissime soeur, mais je sens que vais aimer, ne serait-ce que pour "un autobus baptisé interêt transitoire".
Et en plus, jolie image de titre ( Peyrepetuse si ma mémoire est bonne?)
merci et à bientôt sur la toile!
@ Louv' , il m'arrive au sujet de l'Irlande de tomber sur des livres ou des chansons qui ne me plaisent pas et heureusement ! Par contre, je n'ai pas la prétention d'être critique littéraire et je ne me base pas sur des connaissances élaborées en littérature, c'est le plaisir avant tout qui compte ! Bisous
Esclarmonde
@ le Chaton, pour le peu que je connais des irlandais, ils ont souvent beaucoup de spontanéité, si ce n'est pas de la franchise brutale pour certains (ça me ressemble pas trop mal tout ça) mais j'aime bien, on sait ou on va comme ça :)) je trouve que ce mélange tristesse/humour est ce qui ressemble à la vraie vie sinon c'est trop manichéen pour moi ! Bises et bonne soirée
Esclarmonde
@ Purple velvet, merci de ta visite, je ne pouvais pas faire autrement que de mettre cet extrait avec l'autobus car j'adore ce genre d'humour. C'est en fait le château de Montségur qui est en photo, un endroit que j'affectionne mais j'ai aussi visité Peyrepertuse qui est pas mal non plus. A bientôt
Esclarmonde
J'avoue ne pas avoir de temps pour lire , mais de venir sur ton blog mes donne des envies
Douce journée ,Esclarmonde
Bisous
TIMILO
Guère de temps pour la lecture je l'avoue mais j'ai trois livres en route cependant mdr bises
Si je connais un peu Synge. j'avoue ne rien connaitre de Joseph O'Connor. Mais tu m'as donné l'envie de le découvrir ne serait-ce que pour ces phrases à l'emporte-pièce. Merci
Bisous
@ Timilo, je ne suis pas la pour "vendre" des livres mais je suis quand-même très contente de susciter l'envie de lire les livres qui m'ont plu bien sûr ce qui prouverait aussi que mes articles ne sont pas trop mal faits... Merci à toi, bisous et nuit douce
Esclarmonde
@ Karara, trois livres ?! comme quoi tu lis bien plus que tu veux bien le dire. Bisous et bonne soirée
Esclarmonde
@ Saoirse, j'ai lu "le balladin..." il y a quelques temps, j'avais beaucoup aimé et je ferai un article dessus après avoir plongé de nouveau dedant pour me rafraîchir et si tu aimes les phrases à l'emporte-pièce, il y a un chapitre dans Muse sous la forme d'une pièce de théâtre qui vaut son pesant de cacahuete avec deux femmes pas franchement très diplomates :)) Bisous
Esclarmonde
@ Assez étrangement, dans les autres articles que j'ai pu lire sur d'autres blog au sujet de ce roman, les avis sont très partagés ! Je pense que les gens ne sont plus habitués à un style aussi foisonnant et les aller et venus constantes dans le temps du récit; merci d'être venue jusque là en tout cas ! Bonne soirée
Esclarmonde
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Merci pour cet article, tu m'as donné envie de gratter un peu cet écrivain que je ne connais pas. J'y reviendrai. Bises.
Jonas