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    La rivière charriait aussi les ordures vers la mer, ainsi que des fragments d'objets qui avaient appartenu à des gens et avaient été arrachés aux rives, des corps aussi, mais rarement, oh et de pauvres bébés qui étaient embarrassants. La vitesse et la profondeur de la rivière constituaient de grandes allées du secret.
     

     

    Le testament secret

     

     

       Roseanne a 100 cent ou à peu près... Elle ne sais plus exactement, elle sait juste qu'elle est enfermée dans cet hôpital psychiatrique depuis plusieurs décennies, un institut vétuste et de délabré mais un établissement flambant neuf que la nouvelle Irlande bien plus riche qu'auparavant a pu faire construire, va être bientôt inauguré et les pensionnaires y vont être transférés. Sans assurance aucune que leur vie y va être vraiment meilleure qu'auparavant.

     

       Le directeur de l'établissement, le docteur William Grene est chargé de voir si certains patients sont aptes à retourner à une vie normale avant le grand déménagement. C'est le cas de Roseanne dont l'appréciation psychologique semble difficile car la vieille dame ne se livre pas facilement mais sa fraîcheur de caractère malgré toutes ces années passées entre quatre murs et le grand âge l'intrigue beaucoup.

     

    Le testament secret

     

       Roseanne préfère livrer sa vie et tout ce qui l'a mené à cette vie de paria sur le papier. De son côté, le docteur se confie également, son ressenti est aussi celle du lecteur qui découvre petit à petit les bribes de la vie de la vieille dame jusqu'au dénouement final. 

     

       Un destin façonné par l'histoire de l'Irlande, celle de la guerre d'indépendance, puis de la guerre civile puis des années trente marquées par un contrôle social sourcilleux de la part de l'église catholique mais aussi par la montée du fascisme qui avait aussi atteint l'île via un mouvement appellé les "chemises bleues"... 

     

    Le testament secret

     

       Une église qui oublie sa fonction première, celle de réunir les fidèles et apporter un soutien moral à la population comme elle l'avait fait pendant les sombres années de l'occupation anglaise. C'est ici le père Gaunt, persécuteur de Roseanne qui est le triste symbole d'une église transformée en machine bureaucratique que le régime très athée de l'URSS n'aurait pas renié...

     

       Comme dans  bien des romans irlandais, on a ici affaire à des personnages dont le destin se mêle étroitement à l'Histoire et où les personnages se croyant acteurs de l'Histoire sont en fait manipulés par elle. C'est le cas des hommes que Roseanne a aimé : son père et les trois frères McNulty, dont l'un sera son mari.

     

       Mais cette histoire qui pourrait être extrêmement noire et désespérante, est illuminée de bout en bout par Roseanne qui, malgré son destin, garde foi en l'homme et à l'avenir et a gardé précieusement en mémoire les petites épisodes lumineux de sa vie. Ce grand sens de l'espérance finira par la récompenser...

        

    J'ai jadis vécu au milieu des hommes et je les ai trouvés dans l'ensemble cruels et froids, et pourtant je pourrais citer les noms de trois ou quatre d'entre eux qui étaient des anges.

    Je pense qu'il est possible de mesurer l'importance de notre vie à l'aune de ces quelques anges que nous apercevons parmi nous, sans pour autant être comme eux.

     

     

    Le testament secret

    La ville de Sligo où se déroule une bonne partie de l'intrigue du roman (photo Wikipedia)

     

     

    Le testament secret

     

        L'auteur, Sébastian Barry, né en 1955, est un dramaturge, poète et romancier irlandais. Il devient véritablement connu après la parution de "A Long Long Way" en 2005. Le Testament secret a été récompensé par le James Tait Black Prize et le Prix Costa (deux prix littéraires prestigieux en Grande-Bretagne) en 2008.

     

       Je ne suis pas habituée à l'exercice difficile de la critique littéraire, mais j'espère être assez convaincante sarcastic

     

     


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  •  - Qu'est-ce que ça veut dire aimer ?

     - Je l'ai lu dans un livre, dit Laure.

     

    Laure du bout du monde

    Les collines du "vrai" Eourres (juillet 2011)

     

     

     

    "On ne peut pas inventer Eourres. Eourres, c'est la fin du monde ou en tout cas son extrême bord.

       A Eourres, le surplombant, s'élèvent deux collines, parfaites pyramides, mais trois fois plus hautes que celles d'Egypte, abruptes sur tous leurs dièdres, fourrées d'yeuses moutonnant serrées comme la laine tondue. Elles sont vierges des pas de l'homme. Sauf les sangliers, âme qui vive ne les gravit jamais. qu'irait-on y faire ? Parfois, l'été, entre dix heures et midi, la pointe de ces pyramides obombre le soleil tout entier, alors il fait froid soudain et les vieilles se remisent.

       Quelques colline de moindre importance cernent l'horizon, oblongues ou dressées à pic comme poils de chat en colère, pareillement vertes d'yeuses pressées et dont les vagues figées soulignent le ciel.

       Ces collines sont labourées de grandes balafres livides portées comme des coups de griffe par quelque ennemi vindicatif. Elles sont stériles de haut en bas, sans un arbre, sans une herbe, noires quand la pluie s'en mêle. Ce sont les roubines. Parfois, le sommet fragile d'une de ces roubines supporte une table calcaire qui s'est fichée horizontale, au hasard de la pente. Autour d'elle, dans la masse friable, le travail de la pluie et du vent commence à esquisser la statue d'une de ces demoiselles coiffées qui sont nos ornements.

       voici Eourres au milieu de ce chaos. Il ne faut pas se leurrer : tout ça est abrupt, sans molesse, construit pour se garantir contre l'homme." Pierre Magnan (1922-2012)

     

     

    Laure du bout du monde

     

     

     

      Ainsi commence le roman de Pierre Magnan "Laure du bout du monde", publié en 2006... Dans un village de Haute Provence dans les années d'après guerre, loin de tout, Laure, née minuscule, donnée pour morte après sa naissance et rejetée par sa mère, se bat pour grandir et découvrir le monde.Opposant plus de la gentillesse et de la sagesse face à des adultes plus victimes d'une vie trop dure et frustrante que méchants, c'est avant tout son intelligence et une immense envie de vivre qui l'aide à s'en sortir... Sans oublier les discrets appuis de Séraphin, son ange gardien, à l'amour désintéressé....

     

      Plus poétique et porteur d'espoir que d'autres romans de Magnan (notamment ses polars), ce roman m'a aussi ramené mentalement à Eourres, un village qui existe vraiment. Situé dans les Hautes-Alpes mais à quelques encablures des Alpes-de-Haute-Provence et de la Drôme, ce village s'est repeuplé de néo ruraux à partir des années 70 après avoir failli tomber complétement en ruine.

    Voir un article que j'ai fait sur ce lieu splendide ici.

     

     

    Laure du bout du monde

    Le village d'Eourres

     

     


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  • "Le paysage impassible, contemplé dans la journée, paraissait s'éveiller sous la clarté qui le métamorphosait. De fugitives étincelles s'allumaient sur le tais de neige, répondant aux éclats lumineux partant des cimes, des murmures passaient, portés par le vent, d'indéchiffrables messages semblaient être échangés.

       Peut-être les elfes et les fées de ces montagnes vierges, les lutins et les gnomes, gardiens de cavernes mystérieuses, allaient-ils s'assembler, jouer et danser sur le blanc plateau solitaire doucement illuminé. Ou bien quelque grave conseil devait-il se tenir entre les glauques géants casqués de froide lumière montant la garde au seuil des régions inviolées.

       Qui sait les mystères qu'aurait pu pénétrer le passant assez audacieux pour demeurer là, caché, immobile jusqu'à l'aurore... Mais le froid nous interdisait cette veille téméraire et la nuit ensorcelante garda son secret."

    Alexandra David-Néel

    Voyage au Pays des Neiges

     Paysage duTibet, le terme de Tibet n'est pas employé par les Tibétains qui appellent poétiquement leur pays Gang Yul (le Pays des Neiges)

     

        Alexandra David-Néel (1868-1969) est la première femme européenne a avoir visité le Tibet et particulièrement à Lhassa.

       "Voyage d'une parisienne à Lhassa" racconte l'incroyable odyssée qui l'a mené avec succès jusqu'à la capitale du tibet dans les années 1920 après plusieurs tentatives infructueuses, le pays étant scrupuleusement gardé par les autorités.

       Née à Saint-Mandé, près de Paris, Alexandra est née dans une famille très bourgeoise, rêvant de voyages depuis son plus jeune âge, elle fugue plusieurs fois avant d'être rattrapée... Elle s'intéresse énormément à la culture asiatique et étudie les civilisations orientales et le Bouddhisme.

       Lorsqu'elle entreprend ce voyage réussi vers Lhassa, Alexandra sait parler courament parler le tibétain et a fait déjà de nombreux voyages en Asie (Inde, Sikkim, Corée, Japon...) et elle a déjà une cinquantaine d'années lorsqu'elle entreprend ce voyage périlleux avec son fils adoptif originaire du Sikkim, le lama Yongden dont l'aide sera infiniment précieuse.

     

    Voyage au Pays des Neiges

     

       Obligée en tant qu'étrangère de se cacher (ce n'est pas tant les autorités tibétaines qui ferment le pays aux étrangers que les autorités anglaises qui controlent plus ou moins le pays à l'époque !), Alexandra et Yongden se déguisent en mendiants tibétains pour passer inaperçus. Dormant dans des grottes ou des bois à proximité de la frontière, ils hésitent moins à rencontrer les habitants et à se faire héberger par eux une fois qu'ils sont au coeur du Tibet. Le voyage aura duré en tout huit mois dont une partie au coeur de l'hiver....

       Ce voyage au coeur du Tibet, Alexandra David-Néel en ressent le besoin depuis longtemps. Un véritable appel et un tropisme fascinant pour le lecteur. Il faut dire que ce voyage harassant nécessitait une vraie motivation...

     

       Des épreuves hors normes pour les voyageurs que nous sommes maintenant les attendaient dont une traversée d'un très haut col en décembre. Surpris par la neige, ils errent et s'abritent comme ils peuvent pendant six jours avant de trouver un village. six jours où ils auront quasiment rien mangé et où le froid est mordant (le col dépassant les 5000 mètres d'altitude...)

       Les deux voyageurs n'auront que peu l'occasion de se laver (d'ailleurs les Tibétains ont - ou du moins avaient -un manque d'hygiène choquant pour les occidentaux que nous sommes) et la nourriture frugale souvent composée de soupes rustiques, de thé et d'une sorte de galette de farine d'orge grillé, base de l'alimentation tibétaine, la tsampa. Et cette longue marche est souvent éprouvante car des brigands sont nombreux et il ne fallait pas que les autorités les repèrent sous peine d'expulsion. 

     

    Voyage au Pays des Neiges

     

       C'est en haillons que nos deux voyageurs arrivent à Lhassa et c'est là que se finit le récit de ce voyage hors norme qui m'a littéralement embarqué. Mais curieusement, la description de la capitale spirituelle du Tibet m'a laissé un peu sur la faim car dès, cette époque, l'influence étrangère se fait déjà sentir mais par contre, les paysages, les petits villages et les habitants nous font voyager hors du temps.... Et nombreux sont les endroits (en particulier une partie du Tibet, appelé Pays de Po qui n'avait jamais été visité par les occidentaux auparavant) et l'on sent cette authenticité et Alexandra David-Néel sait que cette authenticité et cette vie hors du temps ne durera pas :

       "un jour, sans doute, des express transasiatiques emporteront par là des touristes confortablement installés dans des trains de luxe, mais alors, une grande partie du charme de ce voyage aura disparu et, pour ma part, je me réjouis d'être allée de Ceylan à la Mongolie avant que ce temps ne soit venu."

     

    Voyage au Pays des Neiges

     

      Le récit, au style très élégant, m'a embarqué tout de suite car l'auteur mèle un solide bon sens et une organisation sans faille avec un réel mysticisme. Et son tropisme pour le Tibet n'est pas de l'idolâtrie car elle nous fait part aussi des défauts de ces habitants (manque d'hygiène, superstitions...), bref un amour très réel... Et nous sommes aussi confrontés aux mystères du bouddhisme tibétain, Alexandra est témoin de phénomènes hors norme comme celui du touma resklang où la faculté qu'on les religieux tibétains de garder leur corps brulant même nu sous le vent glacé de l'hiver.... Le résultat d'une intense méditation qu'Alexandra parvient elle-même à obtenir alors qu'elle se retrouve la nuit dans la montagne enneigée... Et c'est probablement cette faculté de méditer et de trouver la force de faire ce long voyage à pied qui lui permet aussi de réussir. Bref, un livre qui m'a permis beaucoup d'évasions mais aussi de réflexions sur la capacité des humains à se dépasser, la part de mystère des humains et des civilisations...

       Cette lecture a été aussi motivée par le fait qu'Alexandra David-Néel a longtemps vécu près de chez moi à Digne et elle appelait affectueusement la région autour "un Himalaya pour liliputiens" ! Sa maison nommée "Samtem Dzong" dédié à la culture tibétaine se visite (c'est gratuit en plus...).

    Site sur Alexandra David-Néel, sa vie et son oeuvre ici

    Site sur sa maison ici.

     

    Voyage au Pays des Neiges

    mandala tibétain

     

     

     


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  •    Me voilà revenue en Haute-Provence pour saluer quelqu'un qui a quitté notre monde lorsque j'étais en Ariège : Pierre Magnan, écrivain avant tout indéfectiblement lié à sa Haute-Provence natale mais connu nationalement pour au moins certains de ses romans qui ont été portés à l'écran, que ce soit pour le cinéma (La maison assassinée avec Patrick Bruel) ou à la télévision (Le courrier de la mort ou tout récemment Le secret des Andrônes avec Victor Lanoux).

     

    La maison assassinée, probablement l'adaptation la plus connue.
     

       Il a écrit de nombreux ouvrages et laisse à la postérité l'inspecteur Laviolette, son personnage le plus emblématique et le plus connu de son oeuvre. Ce commissaire doit résoudre beaucoup d'énigme avec comme toile de fond, les Alpes du sud, ses paysages et ses habitants souvent très coriaces, dévorés par des vieilles haines rancies.

     

    Adieu l'écrivain

    L'Aube Insolite, un des premiers romans de Magnan est inspiré par son expérience de la Seconde Guerre Mondiale, très bien écrit et à la fin vraiment inattendue


       Proche des gens et très populaire dans sa région natale, il a participé à de nombreuses rencontres avec son public notament lors de dédicaces dans des librairies de la région ou dans des bibliothèques. On l'a aussi souvent entendu dans les radios locales.

     

    Adieu l'écrivain

       

       Pourtant, il a eu jusqu'à la cinquantaine une vie ordinaire et anonyme après avoir publié trois romans dans sa jeunesse qui n'ont pas eu de succès, jusqu'il soit licencié économique dans les années 70.  Un période d'inactivité qui lui permet de se lancer dans l'écriture : c'est la parution de Le sang des Atrides qui obtient le prix du quai des orfèvres en 1978. Le reste de sa vie est consacré à l'écriture jusqu'à son dernier roman paru  en 2010.

     

    Adieu l'écrivain

    La clue de Barles

       Les courriers de la mort se passe entre Digne-les-Bains et Barles exactement tout prêt de mon lieu de vie. Il est question de vieilles histoires et de vengeances et c'est le commissaire Laviolette qui doit résoudre une énigme où il est question, comme souvent chez Magnan de vieilles rancoeurs tenaces. Les descriptions de la clue de Barles et de la vieille église du village de Barles y sont exceptionnelles. Très pessimiste sur l'âme humaine, Magnan excellait vraiment dans l'évocation des paysages de sa région qu'il aimait tant. Je n'ai par contre pas vu le téléfilm et j'avoue que je n'avais compris pourquoi il avait été tourné sur Dauphin, très joli village près de Forcalquier mais où le paysage infiniment plus doux qu'à Barles ne peux pas permettre de rendre l'ambiance farouche qui règne dans le roman...

     

    Adieu l'écrivain

    La veille église de Barles et son cimetière attenant où un mystérieux messager laisse des courriers de menaces dans Les courriers de la mort

       

    Magnan n'hésitait pas à balader le lecteur dans des lieux vraiment existants comme Lurs, Sisteron, Digne, Banon, Eourres.... Il ne ménageait pas les habitants qui, semblent-ils, ne lui en tiennent pas rigueur !

     

    Adieu l'écrivain

    Dans le commissaire dans la truffière, il est question de truffes mais aussi de Hippys assassinés du côté de Banon....


       J'ai déja lu quelques autres romans de qualité inégale mais jamais mauvais et il m'en reste encore beaucoup à lire.... Adieu l'ami !

     

     

    Adieu l'écrivain

    Ce roman, l'un des plus récents de Magnan, dont la trame se situe à Eourres, petit village aux confins des Hautes-Alpes, des Alpes-de-Haute-Provence et de la Drôme et que j'espère lire bientôt....


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    Un écossais dans les Cévennes

     


     "La vallée paraissait encore plus jolie dans la lumière du matin ; bientôt la route descendit au niveau de la rivière. Quelques châtaigniers bien droits et de belle venue formaient comme une île sur le gazon ; c'est là que je fis ma toilette dans le Tarn. l'eau était merveilleusement claire, d'une fraîcheur qui donnait le frisson. Les traces de savon disparaissaient comme par enchantement dans le courant rapide, et les roches blanches offraient un modèle de propreté. Se laver dans une des rivières que Dieu a faites, à la face du ciel, c'est un acte à la fois solennel et joyeux, une sorte de rite à demi païen, tandis que barboter dans les cuvettes d'une chambre à coucher, c'est peut-être un moyen de tenir le corps propre, mais l'imagination ne prend point sa part à cette purification."


     

    Un écossais dans les Cévennes

     Robert Louis Stevenson


    Un écossais dans les Cévennes

    Chemin en Lozère. Photo : Esclarmonde


       Robert-Louis Stevenson (1850/1894) est le célèbre auteur écossais de "L'île au trésor" et de "docteur Jekyll et M.Hyde". Il a entrepris de faire une randonnée à travers les Cévennes en 1878, époque où il mène de vie de bohème et est en proie au doute suite à une vie sentimentale un peu compliquée et par le fait que son père le menace de lui couper les vivres, d'autant plus qu'il n'est pas encore l'auteur célèbre de "L'île au trésor".

       Pendant l'automne 1878, alors qu'il séjourne au Monastier-sur-Gazeille en Haute-Loire, il entreprend de partir à pied avec la seule compagnie d'une ânesse qu'il a acheté moyennant "soixante-francs et un petit verre" à un "vieux bonhomme, d'esprit un peu dérangé" et qu'il surnomme Modestine.

      Le récit, célèbre chez les amateurs de randonnées pédestres est l'un des premiers du genre et est le premier où le terme de "sac de couchage" est utilisé, sac de couchage d'ailleurs bien rustique alors ! Le voyage de Stevenson est aussi célèbre bien sûr dans les lieux qu'il a traversé, du sud du Velay aux Cévennes, en passant par le Gévaudan.

       Cette région étant synonyme pour moi de route des vacances pour aller en Auvergne, il fallait bien quand-même que je lise ce récit où j'ai réalisé que les paysages qu'il décrit n'ont guère changé depuis, il serait même devenu plus sauvage à cause de l'exode rurale qui a eu lieu alors. 

      L'accueil réservé à l'écossais n'est pas toujours très chaleureux sur les hauts plateaux où les gens ne devaient être habitués à voir des voyageurs, surtout étrangers, le climat est rude, Modestine ne veut en faire qu'à sa tête et Stevenson est au début, quelque peu découragé. Il se repose dans un monastère (Notre-Dame-des-Neiges qui existe toujours) et fait des observations sur le mode de vie et les rites des moines, réflexion autour de la religion qu'il continue ensuite lorsqu'il arrive dans les terres des Protestants Cevenols persécutés à l'époque de Louis XIV jusqu'à l'Edit de Tolérance en 1787. 


       "Vous pouvez pendant un siècle faire écraser une religion sous les sabots de vos chevaux et après ce traitement énergique la laisser plus vivante que jamais. l'Irlande est toujours catholique, les Cévennes toujours protestantes. Ce ne sont pas un plein panier d'articles de loi, ni les coups de crosse, ni le piétinement des chevaux d'un régiment qui changeront d'un iota les convictions d'un laboureur. (...) Car il ne pourrait varier dans sa foi à moins d'avoir pu extirper de sa mémoire tout le souvenir du passé, ou de changer, littéralement, de peau."


    Stevenson, bien qu'athée est issu d'une famille protestante et sa curiosité est grande vis-à-vis de ces calvinistes méridionaux. De plus, il trouve les lieux particulièrement beaux, reposants, lumineux et accueillants.Ses réflexions sur sa vie proche de la nature m'a évoqué l'esprit d'Henry-David Thoreau.


    "Je ne me suis jamais senti mieux dégagé de toute attache matérielle. Il y a donc, pensais-je, des endroits charmants, agréables à habiter dans ce monde extérieur que nous fuyons, blottis dans nos maisons. Chaque nuit, semble-t-il, l'homme peut avoir un lit tout préparé dans les champs où Dieu tient maison ouverte. Je Crus avoir retrouvé une de ces vérités qui sont révélées aux sauvages et cachées aux écononomistes ; j'avais du moins découvert pour moi un nouveau plaisir.(...) Vivre en plein air avec la femme qu'on aime, c'est de toutes les vies la plus complète et la plus libre."


       De nos jours, le souvenir de Stevenson est resté vivace et son chemin est aujourd'hui balisé sous le nom de Chemin de Robert Louis Stevenson (ou GR 70) du Puy-en-Velay à Alès.


     

    Un écossais dans les Cévennes


       Et au Bouchet-Saint-Nicolas, sa première étape, on a érigé un monument à cette aventure :


     

    Un écossais dans les Cévennes

     

       Aventure, à cette époque, le mot n'était pas trop fort car la randonnée pédestre était quelque chose d'inhabituel. Stevenson a du dormir plusieurs fois à la belle étoile et en ce début d'automne, il ne faisait pas toujours bien chaud surtout au début de son trajet, sur les hauts plateaux du Gévaudan. De nos jours, des hébergements sont prévus dans toutes les étapes ce qui me fait un peu sourire ! En 97, avec mon compagnon, on a fait deux nuits à la belle étoile dans cette région, et comme Stevenson, on a senti à la fois un certain inconfort et en même temps, une certaine exhaltation a se réveiller en pleine nature.


    "Devant cette douce et lente venue du jour, une allégresse solennelle s'empara de mon âme. C'était chose exquise d'entendre le ruisseau couler. (...) J'avais été reçu avec une hospitalité parfaite dans ce caravansérail de verdure ; le service y était très bien fait, la chambre était aérée, l'eau excellente et l'aube m'avait réveillé à l'heure dite. (...) J'avais le sentiment que j'étais redevable de quelque chose pour cette réception magnifique."

       Et Modestine, cette petite ânesse n'est pas un simple animal de bât. Après un début de cohabition difficile (elle obéit peu et Stevenson l'a traite avec sévérité), elle devient pour lui une compagne fidèle et des liens se tissent entre eux. Aussi, lorsque l'écrivain arrive au bout de son voyage (à Saint-Jean-du-Gard), il doit se résoudre à la vendre et en ressent beaucoup de chagrin....

        Le livre que j'ai lu, je l'ai emprunté à la médiathèque. C'est un grand album avec de superbes photos des lieux traversés par l'écrivain. Il est en vente chez Amazon, donc je suppose que vous pouvez le commander auprès de votre libraire préféré (éditions du Rouergue) mais il existe aussi en ebook gratuit à cette adresse : - - generation.feedbooks.com/book/5489.pdf 

    - On peut se reporter aussi sur le site de l'association des Amis du Chemin de R L Stevenson avec une bonne documentation sur le trajet, l'auteur ainsi que le texte à télécharger gratuitement.


    Un écossais dans les Cévennes

    Encore un paysage lozérien....



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