•    

    Avec la fin de la crise de la pomme de terre, la famine irlandaise s'achève officiellement en 1851 mais les conséquences seront durables et certains pensent qu(elles se font sentir encore aujourd'hui.

    Après le départ de 1,5 millions de personnes pendant la Famine, l'émigration devient une solution pour éviter la misère et le chômage pour les Irlandais et dans les décennies qui suivent, beaucoup quittent leur pays pour une vie meilleure aux Etats-Unis mais aussi en Grande Bretagne et les pays du Commonwealth (Australie, Nouvelle Zélande...), ce qui contribuera au façonnage culturel de ces pays. 

    Ce phénomène d'émigration est si profond et durable que la population de l'Irlande ne fera que baisser jusque dans les années 1920 (2,9 millions d'habitants contre 8 millions avant la famine) et aujourd'hui encore, la population de l'île est inférieure à ce qu'elle était juste avant la Famine.

    De plus, la population la plus touchée par la faim était des petits paysans de parler gaélique et, du fait de la création d'un système scolaire où les enfants étaient obligés de parler anglais, le gaélique encore très parlé dans la première moitié du XIXe siècle, a tendu ensuite à disparaître petit à petit et ce n'est que dans les années 1920, que le gouvernement d'un Irlande indépendante, a mis en place des mesures de préservation de cette langue mais malgré ses efforts, la langue gaélique n'est parlé quotidiennement que par quelques milliers d'individus, l'anglais restant la langue véhiculaire du quotidien

     

    Les conséquences politiques ont été aussi considérables, les Irlandais exilés au Etats-Unis s'organisent en un groupe appelés les Fenians qui apporte aide et soutien financier à leur compatriotes restés au pays. Cela engendre une plus grande conscience politique de la part des Irlandais catholiques, jusqu'ici peu actifs dans la lutte pour l'indépendance. Des groupes utilisant le terrorisme vont aussi se développer mais aussi la désobéissance civile et le boycott. La colère et le ressentiment engendrés par cette période terrible va finalement aboutir à la guerre d'indépendance des années 1916-1921.

    Plus difficile à quantifier sont les conséquences psychiques sur le peuple irlandais, on pense que leur lucidité et leurs préoccupations vis à vis des pays du Sud (beaucoup d'irlandais s'engagent dans des ONG qui luttent contre la faim et la misère dans les pays du Tiers Monde) vient de cette épisode de leur histoire. Le côté sombre de l'empreinte psychique de la Grande Famine, c'est encore une irlandaise qui en parle le mieux, Sinead O'Connor :

     

    Ok, je veux vous parler de l’Irlande
    Plus particulièrement je veux vous parler de la « famine »
    Sur le fait qu’en réalité il n’y en a jamais eu
    Il n’a pas eu de « famine »
    Voyez, le peuple irlandais n’avait le droit de ne manger que des pommes de terre
    Toutes les autres nourritures
    Viande poisson légumes
    Étaient expédiées sous garde armée hors du pays
    Vers l’Angleterre tandis que les Irlandais crevaient de faim
    Et c’est alors au milieu de tout ça
    Qu’ils nous ont donné de l’argent pour qu’on n’enseigne plus l’irlandais aux enfants
    Et c’est ainsi que nous avons perdu notre Histoire
    Et c’est, je pense, ce qui me choque encore à présent le plus.

    Voyez, nous sommes comme un enfant maltraité
    Qui doit se chasser de sa propre tête parce qu'il a peur
    Il ressent toujours la douleur
    Même si sa mémoire en perd la trace

    Et cela mène à une autodestruction énorme
    Alcoolisme, dépendance aux drogues
    Tous essais désespérés de fuir
    Et qui, dans leur pire forme,
    En viennent jusqu’au meurtre réel.

    Et si jamais la guérison doit advenir
    Elle doit passer par le souvenir
    Puis par le deuil
    Pour pouvoir pardonner
    Il faut d'abord savoir et comprendre
     

    Tous ces gens sans attache
    d’où viennent-ils
    Tous ces gens sans attache
    d’où sont-ils ?

    Un règlement de l’armée américaine
    Dit que vous ne devez pas tuer plus de 10% d’une nation
    Sous peine de causer un « dommage psychologique » définitif
    Ce n’est pas définitif mais ils ne le savaient pas
    Néanmoins durant cette supposée « famine »
    Nous avons perdu nettement plus que 10% de notre nation
    Par la mort au pays ou sur les bateaux de l’émigration
    Mais ce qui nous a au bout du compte brisé ce ne fut pas la faim
    Mais son utilisation dans le contrôle de notre éducation
    L’école continue avec sa « Black 47 » (l’année noire 1847)
    Encore et toujours « La terrible famine »
    Mais ce qu’ils ne disent pas c'est qu'en vérité
    Il n’y en a jamais eu.

    Tous ces gens sans attache
    d’où viennent-ils
    Tous ces gens 
    sans attache
    d’où sont-ils ?

    Alors regardons-y de plus près nous avons
    Le plus grand taux d’enfants abusés de la CEE
    Et nous nous disons un pays chrétien
    Mais nous avons perdu le contact avec notre passé
    Regardez : nous adorions Dieu comme une mère
    Nous souffrons du trouble de stress post-traumatique
    Voyez tous nos vieux dans les pubs
    Voyez tous nos jeunes qui se défoncent
    Nous adorions Dieu comme une mère
    Maintenant voyez ce que nous nous faisons les uns aux autres
    Nous nous sommes même transformés en assassins
    Le plus naïf et confiant des peuples de l’Univers
    Et c’est ce qui ne va pas avec nous
    Nos livres d’Histoire, figures parentales, nous mentent

    Je vois les Irlandais
    Comme une race qui tel un enfant
    Se donnerait lui-même des coups sur le visage

     Et si jamais la guérison doit advenir
    Elle doit passer par le souvenir
    Puis par le deuil
    Pour pouvoir pardonner
    Il faut d'abord savoir et comprendre

    Tous ces gens sans attache
    d’où viennent-ils
    Tous ces gens sans attache
    d’où sont-ils ?

    Le pardon. (plusieurs fois)

     

     

     

     Une conséquence heureuse celle-là, une conséquence artistique, de nombreuses chansons ont été composés qui se réfèrent à cette époque ainsi que de nombreux romans .

     

    Voici d'autres chansons (que musicalement j'avoue préférer à celle de Sinead O"Connor)

     

     

     

     

     

     


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  •    Après l'île la plus isolée du monde, une autre terre des extrêmes : le Nord-Est de la Sibérie, une région parfaitement méconnue, la Tchoukotka, le pays des Tchouktches, un peuple sibérien, proche culturellement des peuples d'Alaska mais longtemps séparés d'eux pour des raisons géostratégiques. 

     

    Au bout de la terre

     

     

       C'est dans cette région très rude que se situe la trame du roman "Unna" du plus célèbre écrivain tchouktche, Youri Rytkhéou (1930-2008) qui également l'un des plus célèbres écrivains issus des petits peuples de l'ex-Urss.

     

    Au bout de la terre

    Campement traditionnel tchouktche

     

       Longtemps isolés, les Tchouktches ont vu leur destin bouleversé par le modernisme et l'idéologie soviétique. C'est ainsi que de nombreux enfants tchouktches ont été prématurément séparés de leurs familles et envoyés dans des internats où ils apprenaient à devenir de parfaits citoyens soviétiques.

       C'est ce qui arrive à la jeune Unna dans les années 60, à l'époque brejnevienne. Son intelligence fait qu'elle apprend très vite le russe et oublie sa langue maternelle et est promise à des études universitaires. De plus, elle rejette la vie traditionnelle des Tchouktches, basée sur le nomadisme, le chamanisme, l'élevage des rennes et la chasse. Elle a même honte de son père, toujours habillé en habit traditionnel et atteint d'alcoolisme, alcoolisme qui fait rage dans cette communauté déstabilisée et acculturée. De nos jours, c'est plutôt l'exploitation gazière et pétrolière qui menace les peuples sibériens (par exemple les Nenets du nord de la Russie). Et l'alcoolisme est aussi un menace terrible au point de menacer la pérennité du peuple tchouktche (voir un excellent article sur le sujet ici)

     

    Au bout de la terre

     Les étendues glacées de la Tchoukotka

     

       Unna, bon petit soldat du système, va bientôt atteindre les plus hauts sommets de la société soviétique mais un choix de vie privé jugé hasardeux par la nomenklatura locale bloque son ascension jusqu'à sa dégringolade sociale et la déchéance finale.

       C'est un roman que j'ai trouvé par hasard à ma médiathèque, il est indubitablement tragique et je le déconseille à des lecteurs qui aiment les histoires positives et qui finissent bien mais il a eu l'avantage de me faire découvrir un peuple et une culture que je ne connaissais pas du tout.

       D'autres part, tout n'est pas noir dans ce livre avec deux personnages qui gardent leur dignité et leur humanité dans un système qui n'est, non plus la terreur brute stalinienne, mais un régime médiocre fait de passe-droit et de corruption où l'alcool coule à flot, il s'agit d'Ovno, le père d'Unna et d'August, l'ami d'enfance d'Unna, qui reste lucide jusqu'au bout vis-a-vis de la société où il vit.

       Et de plus, l'auteur nous fait partager par certains passages lyriques, la beauté rude de sa région natale où l'hiver est très long et glacial et l'été bref mais magnifique...

       "Unna" de Youri Rytkhéou est paru aux éditions Acte Sud, une maison d'édition que j'affectionne car elle ouvre de nombreux horizons...

     

    Un bout de terre glacé

     

     

    Une vidéo sur le mode de vie tchouktche . :

     

     

    Article couplé avec un autre sur mon blog de musique sur les traditions musicales tchouktches.

     


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  • 9782070442911FS

     

    "L'Irlande est un pays de questions, et de très, très rares réponses. (...) Quand je vois une carte de l'île et qu'elle sert à vanter les mérites de notre pays, comme, disons, pour l'industrie du tourisme, il y a toujours un lutin géant ou une harpe plaqués en plein Milieu. Pour moi, nous devrions être honnêtes et inscrire un grand point d'interrogation afin que les gens sachent à quoi s'attendre."

     

     

       La main droite du diable (titre original : Priest) est un roman policier irlandais de Ken Bruen paru en 2006 et en France en 2008. Il a reçu le Grand Prix de Littérature Policière en 2009.

     

       Le personnage central, Jack Taylor, est le personnage récurrent de plusieurs ouvrages de l'auteur Ken Bruen. Dans cet opus, il a été mis à la porte de la Garda, la police irlandaise. Atteint d'alcoolisme et en proie à de grandes souffrances (il se sent coupable du décés d'une petite fille dont il avait la garde), il a atterri dans un hôpital psychiatrique et l'histoire commence lorsqu'un employé africain de l'hôpital, par quelques paroles chaleureuses, sort Taylor de sa torpeur. Il peut ainsi sortir de l'hôpital, considéré comme guéri. Néanmoins, il doit lutter sans cesse contre son démon, l'alcoolisme. Démon aussi de l'Irlande où les habitants se sont mis à manger et parler comme des américains mais boivent toujours comme des irlandais...

     

       L'intrigue - un prètre a été retrouvé assassiné et décapité - est relativement mince et est certainement un prétexte à Ken Bruen a nous entraîner dans son pays, en proie avec la modernité et à une remise en cause d'un catholicisme omniscient due à des scandales en série (scandales révèlés en France en 2009 mais qui semble plus anciens, le roman se déroulant en 2003). Mais il renvoie dos à dos cette Irlande ancestrale sombre et oppressante et "la nouvelle Irlande" où la cupidité et la consommation sont devenues les valeurs dominantes.

     

     

    galway1

    Galway

     

     

       Ce n'est pas ce que j'appelle un "pur" polar se déroulant dans des commissariats et dans des milieux de grand banditisme, d'ailleurs à mon grand bonheur. En effet, ce sont des gens ordinaires qui sont les protagonistes et le seul policier est une "fliquette", Ridge, qui n'est pas un membre des forces de l'ordre standard, elle est homosexuelle avec toutes les complications qu'on peut imaginer sur sa vie et son caractère rugueux cache probablement d'énormes souffrances et Jack Taylor l'aime en secret. C'est lui qui apporte la noirceur qui est la marque de ce courant littéraire, le roman policier. C'est une personne qui a le sentiment d'avoir raté sa vie et qui a constament une sorte de rage en lui, il veut souvent "cogner" et son sevrage n'arrange pas les choses... C'est alors que le père Malachy, qui était le curé "attitré" de sa mère lui demande d'enquêter sur le meurtre du père Joyce, retrouvé décapité dans sa propre église. Malachy est un personnage pitoyable et Taylor le hait, néanmoins, il accepte de mener l'enquête...

     

      Ce roman, noir comme un verre de stout, nous entraîne dans l'âme irlandaise qui, malgré, son opposition à l'Eglise Catholique à cause des scandales de pédophilie, reste imprégnée de sentiments de culpabilité et de reflexes religieux du à des siècle d'influence exercée par une église qui avait son mot à dire dans tous les domaines de la société. C'est ainsi qu'on tombe sur des expressions telle que "je m'agripais à elle comme à un rosaire". j'ai été aussi frappée, mais pas surprise, de la présence presque constante de la musique dans les pensées de Taylor et surtout le chagrin d'avoir perdu Johnny Cash, récemment décédé. "Mais la musique, la folie générée par la violence et le remord s'étaient emparés de moi de telle sorte que j'écoutai toutes les chansons tristes que j'avais, et j'en possédais un sacré paquet."

     

       Comme on est en Irlande, souvent un humour caustique apparait dans cette noirceur et c'est cet humour qui m'a baladé avec plaisir au long des pages même si le constat sur la société irlandaise reste très amer. En tout cas, on est très loin des propos "bisounours" d'un guide touristique :

     

       "Au début des années soixante-dix, c'était le parfum que tout le monde portait. Ca se vendait dans un petit flacon vert orné d'un médaillon argenté et les gars s'en aspergeaient comme si c'était de l'eau bénite. les femmes n'ont pas la vie facile, mais toute la période du "Brut"* a du représenter une époque particulièrement noire."

     

          * "Brut" est un après-rasage commercialisé par Fabergé à partir des années 60

    article faisant partie du : 

      Challenge-irlandais

          Ce roman a été publié aux éditions Gallimard et Folio Policier

     



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  •  

    3588815 

    Poison Glen, Donegal, République d'Irlande

     

     

     Vous avez du comprendre, du moins pour ceux qui me suivent depuis un certain temps, que l'Irlande est, non pas une passion, mais fait partie de mon imaginaire et j'ai déja publié plusieurs articles concernant ce pays. J'en ferais plus d'ailleurs si j'ai la chance de retourner là-bas.

     

    j'ai trouvé sur un blog un "challenge" taillé pour moi. Un challenge pour faire découvrir l'Irlande à travers la lecture. Il suffit de faire plusieurs articles avec :

     

    - un ouvrage d'un des grands auteurs irlandais (Joyce, Wilde, Beckett...)

    - un ouvrage comtemporain.

    - un fim se passant en Irlande

    - un groupe de musique, un CD ou une chanson.

     

       Ceci est à faire d'ici avril 2012. Cela laisse du temps d'autant plus que j'ai fait un article sur un film se passant en Irlande : le cheval venu de la mer. Je suis en train de lire (en anglais !) "Gens de Dublin" qui est un recueil de nouvelles de James Joyce mais la lecture en anglais, c'est par périodes, il y en a où je lis aussi facilement qu'en français mais en ce moment, ce n'est pas trop le cas, trop de flemme sans doute mais en ce qui concerne le livre de Joyce, il me reste qu'une nouvelle à lire, c'est la plus longue mais parait-il la plus belle. Je ne suis d'ailleurs pas peu fière d'être presque arrivé à maîtriser ce "monstre", ce n'est pas ce qu'il y a de plus facile à lire mais c'est un univers passionnant...

     

       Je devrais publier donc mes articles d'ici peu de temps.

     

       Le blog où j'ai trouvé ce challenge s'appelle les quotidiennes de val, lien ICI

     

       Et c'est grâce au blog de Gabrielle, Passion irlandaise, que j'ai eu vent de ce challenge. Lien ICI.

     

       Mes articles auront ce petit logo :

     

     

    Challenge-irlandais

     

     

    pour finir, une petite vidéo :

     

     


     



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  •  

       "Quand le vent souffle, des zones d'herbe haute se courbent, prennent des reflets argentés. Sur une bande de terrain, de grandes vaches frisonnes broutent tout autour de nous, tranquilles. Certaines lèvent la tête à notre passage mais aucune ne s'éloigne. Elles ont des pis gonflés de lait et de longs trayons. je les entends arracher l'herbe à la racine. La brise, qui frôle le bord du seau, chuchote pendant que nous marchons. Nous ne parlons ni l'une ni l'autre, comme les gens se taisent parfois quand ils sont heureux."

     

    DSCF0387-copie-1

     

     

      "Les trois lumières" (titre original : Foster) est un court roman (ou une longue nouvelle comme vous préférez !) de l'écrivain irlandaise Claire Keegan qui a reçu dans son pays, plusieurs récompenses pour ce livre.

       L'intrigue parait mince au prime abord : une fillette d'une famille nombreuse est amenée dans une ferme par un père plutôt désinvolte. Un couple, les Kinsella,  s'occupe d'elle le temps d'un été. A leur contact, la petite fille apprend beaucoup de la vie et surtout découvre un amour désintéressé qui semble singulièrement manquer dans sa famille. Quant au couple, il réapprend à vivre.... 

       L'auteur reconstitue à merveille la perception du temps d'un enfant. On suppose que l'intrigue se passe le temps d'un été mais le temps parait comme suspendu et comme tous les enfants, "Pétale", (c'est ainsi qu'on la surnomme) apprend beaucoup de détails auquel nous ne prêtons plus attention une fois devenus adultes. j'ai beaucoup aimé l'évocation de la campagne et de la vie rurale qui me rappelle ma propre expérience lors de mes vacances quand j'étais petite. Comme on est en Irlande, la poèsie n'est jamais loin comme dans ce passage où l'enfant fait une promenade avec Kinsella au bord de la mer. L'humour est présent aussi, en témoigne la scène d'une veillée mortuaire qui est plutôt l'occasion de boire plus que de raison chez certains !

     

       Pour finir deux liens, celui d'un blog littéraire et celui d'un blog ami, celui de l'Irlandaise.

     

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