• Au coeur de la taïga

    Au coeur de la taïga

       La taïga est cette immense forêt qui s'étend au nord de la Russie et en Sibérie (mais aussi en Scandinavie et au Canada), une immensité qui permet de vivre à l'abri des regards et de la civilisation, mais si on supporte un climat terrible (gel à -40° l'hiver) et la présence d'ours et de loups.

       C'est ce qu'à fait dans les années 30, Karp Lykov. Il a quitté le village sibérien où il vivait et a emmené sa femme et leurs deux enfants, Savvine et Natalia au coeur des monts Saïan au sud de la Sibérie...

    Karp était le descendant de "vieux croyants", ces orthodoxes russes, qui ont refusé la réforme de l'église orthodoxe décidée au XVIIe siècle par le tsar Pierre Ier et le patriarche Nikon. A cause des persécutions et par soucis de vivre selon leur croyance religieuse, nombreux sont ceux qui sont partis vivre en Sibérie où l'influence de l'église officielle était très faible.

    A l'époque stalinienne, les vieux croyants craignaient pour leur vie dans une Union Soviétique officiellement athée, d'où la décision de Karp Lykov de partir se cacher avec sa famille et de mener la vie simple et très pieuse qu'il désirait.

    La famille construisit une isba (maison en bois) dans un lieu isolé (à 250 kms de la ville la plus proche...), deux autres enfants y naquirent, Dmitri et Agafia,  et la famille a vécu isolée du monde et des hommes pendant plus de quarante ans, jusqu'en 1978 lorsqu'ils furent découvert par un groupe de géologues qui s'était installés un peu plus loin.

     

    Au coeur de la taïga

    La modeste isba des Lykov... Depuis, on en a construit une plus moderne pour Agafia, la seule survivante de la famille Lykov

     

       Mis au courant par cette incroyable découverte, le journaliste Vassilli Peskov, décida de se rendre en cet endroit, accessible soit en hélicoptère, soit en remontant la rude vallée de l'Erinat dans des conditions périlleuses.

       La rencontre entre Peskov, les géologues et la famille Lykov fut difficile au début, les ermites n'étaient plus habitués au contact humain et se croyaient toujours en danger. La première réaction des deux filles de la famille a été l'affolement. Et ceux qui les avaient découvert et qui étaient habitués au modernisme et une société sécularisée, n'en revenaient pas de la vie dure, rude et très pieuse de la famille Lykov.

       Néanmoins, à force de contacts et de services rendues, la confiance et même l'amitié s'installa, surtout avec Agafia, la dernière enfant, seule survivante de la famille à partir de 1988.

    De ces rencontres, Vassili Peskov en a tiré des articles publiés dans le célèbre journal russe Komsomolskaïa Pravda qui ont été réunis dans un livre, publié en 1991 et traduit en français quelques années plus tard. Je l'avais emprunté dans une bibliothèque il y a une quinzaine d'années mais sans doute taraudée par ce que j'y ai découvert, je l'ai acheté il y a peu pour m'empresser de le relire.

     

    Au coeur de la taïga

    Paysage des monts Saïan (région d'Abakan) où vit Agafia Lykova.

     

       C'est un récit où l'on trouve du grandiose, un grandiose que l'on peut trouver que dans des régions aussi immenses et hostiles que la Sibérie, et des questionnements sur la condition humaine, l'engagement, la place de la religion dans la vie, mais tout simplement l'amitié et le respect mutuel, concrétisé par ce qui s'est noué entre ces gens reclus restés dans de vieilles croyances et un style de vie qu'on pouvait croire disparu et ceux de l'extérieur, qui leur vouent un grand respect et une amitié désintéressée.. Et certainement que tous en retirent une expérience inoubliable et un enrichissement.

       Ce livre a eu un grand succès en Russie et Agafia est devenue une sorte de "star" paradoxale, elle qui vit loin du monde, un succès qui ne lui a jamais fait perdre la tête et elle a préférée continuer sa vie d'ermite par fidélité aux idéaux de sa famille. Agafia serait l'ultime membre d'une longue lignée de vieux croyants.

        Après avoir fini de livre ce livre, je me suis demandée ce que devenait Agafia car elle a maintenant 69 ans et vit toujours seule dans la forêt, mais j'ai trouvé des articles (le plus récent datant de septembre 2014) qui donnent des nouvelles très rassurantes...

     

    Au coeur de la taïga

     Agafia aujourd'hui

     

       Ce livre se trouve facilement aux éditions Babel, une suite a été publiée en 2009 (Des nouvelles d'Agafia) que je lirai et commenterai certainement un jour.

    - article paru sur le site Express.be  

    - les dernières nouvelles trouvées sur Agafia (en anglais mais avec de         nombreuses photos)

    - Page russe intéressante sur la famille Lykov et son origine (en anglais)

     

     

     

     


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  • Commentaires

    1
    Jeudi 29 Janvier 2015 à 18:49

    C'est impressionnant !

    Que son visage est beau, et clair.

    Je viens de terminer un article sur mon blog et je voulais mettre le visage d'une vieille paysanne.

    N'en trouvant pas à ma convenance, j'en ai dessiné un.

    Mais voyant celui de cette femme, je me suis dit que c'était là exactement le visage que je cherchais !

    Bises de pinson.

    2
    Jeudi 29 Janvier 2015 à 20:19

    c'est un livre que j'aimerais lire - je vais regarder à la médiathèque. 

    Bises et merci pour ce très bel article.

    3
    Jeudi 29 Janvier 2015 à 20:22

    demain je réserve, ils ont deux livres. Bises

    4
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 10:03

    un livre  qui a l'air intéressant... mais que je ne vais pas lire, trop froid... je me demande comment font les gens pour vivre à -40°, je suis si frileuse...

    je t'embrasse Esclarmonde, je pense que tu as de la neige... ici bcp de mistral et pas chaud, enfin c'est l'hiver...

    bonne journée

    joelle

     

    5
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 10:29

    La taîga, immense région hostile où il doit être très difficile de vivre ! Et pourtant on y vit....Nous vivons dans le confort ! Bises et bon vendredi, Jean-Pierre

    6
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 19:17

    merci pour tes commentaires - et c'est vrai que la nature, il faut savoir la regarder ... et trouver non pas ce qu'on cherche mais ce qui se présente. Bises

    7
    Vendredi 30 Janvier 2015 à 23:33

    On a peine à imaginer la vie dans ces contées si inhospitalières, une vie sans doute plus proche de l'essentiel que ne l'est la nôtre, dans nos pays dits civilisés.

    Bises et bonnenuit

    Alain

    8
    Samedi 31 Janvier 2015 à 05:55

    Avec ce mauvais temps , rien ne vaut un bon livre et rester au chaud

    A lundi

    Bon weekend ESCLARMONDE

    Bisous

    timilo

    9
    Samedi 31 Janvier 2015 à 08:04

    Une vie hors du commun … tellement riche tellement dure… Je suis admirative.

    Merci pour ce partage

    Bises

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    10
    Dimanche 1er Février 2015 à 00:23

    des choix de vie souvent incompréhensibles , qui à la longue devienne l'évidence , par ignorance du reste du monde...

    11
    Dimanche 1er Février 2015 à 11:51

    Ce livre doit être passionnant ! Je note les références. Merci et bon dimanche.

    12
    Lundi 2 Février 2015 à 10:58

    @ Khaz

    Tu as raison, le visage de cette femme exprime une joie intérieure ! Pourtant Dieu sait si sa vie a été dure... J'irai voir ton article avec son visage serein

     

    @ Durgalola

    Je te souhaite une bonne lecture 

     

    @ Joëlle

    Avant de vivre dans ce lieu reculé, cette famille habitait déjà dans un village sibérien et devait être habitué à ce froid extrème... Ce n'est pas ton cas et moi non-plus, chez moi, il doit faire à peu près 0° ce qui est très largement suffisant...! La neige est là elle aussi

     

    @ Jean-Pierre

    Nos climats sont tout doux en comparaison de la Sibérie... Climat extrême mais protecteur pour les Russes comme ceux de mon livre qui ont pu y trouver refuge, je ne les envie pas cependant.

     

    @ Alain

    Je me suis documentée sur la Sibérie depuis ma lecture, en fait l'immense majorité des habitants vivent dans de grandes villes, radicalement différent doit être par contre, la vie dans les petits villages éparpillées dans cette immense contrée, comme par exemple ici http://www.toolito.com/village-oimiakon-endroit-plus-froid-terre/

     

    @ Timilo

    Avec le froid, c'est vrai que je préfère rester au chaud mais la neige m'a donné envie de sortir un peu sans oublier pour autant la lecture, tu as bien raison.

     

    @ Parnassie

    Bonjour et merci de votre visite ! Une vie qui a été très dure sous la férule d'un père pas mal autoritaire mais ces gens sont allés au bout de leur idéal, en ce sens je trouve que c'est une leçon pour nous tous.

     

    @ Peache

    Tant que les enfants Lykov n'ont rien su du monde extérieur, leur vie leur paraissait normale en effet, l'arrivée des "étrangers" a engendré quelques conséquences tragiques sur trois d'entre eux sauf Agafia qui a su magnifiquement tirer partie de son expérience et aussi de l'aide extérieure...

     

    @ Bonheur du jour

    Pour moi une belle évasion cette lecture même si je préfère nos douces contrées ou quelques centimètres de neige paraissent une catastrophe !

     

    Je vous souhaite une belle et douce semaine, bises

    Esclarmonde

    13
    Jonas D.
    Lundi 2 Février 2015 à 18:32

    Etonnant parcours, ton article, rudement bien mené, m'a instruit. Cette journée n'est pas perdue. Merci Esclarmonde.

    14
    Mardi 3 Février 2015 à 10:36
    Joseph Guégan

    Quelle incroyable aventure que je découvre grâce à ton très intéressant article.
    Je vais me procurer ce livre car j'ai envie d'en savoir plus.
    Bonne semaine

    15
    Mardi 3 Février 2015 à 18:27

    Je prendrais ce livre, si je peux, a la médiathèque: ça me rappelle, l'histoire récente, plus triste , en définitive, de ce père qui avait enlevé ces deux fils, laissant la Maman sans nouvelles plusieurs années, et, les avait élevés tout seul, dans un coin perdu des Pyrénées, en montagne.,On a finit par les retrouver! Enfin, le climat était moins dur, quand mème!

    16
    Mardi 3 Février 2015 à 21:26

    Sacrée histoire! Merci de nous la raconter si bien!

    17
    Mardi 3 Février 2015 à 22:12

    @ Jonas

    Je crois que j'ai finir par être fière de moi sarcastic si je suis parvenue à rendre ta journée utile et constructive ^^

     

    @ Joseph

    Je ne sais pas pourquoi, moi qui te connais qu'à travers tes belles photos, j'ai l'intuition que cette histoire et cette univers te plaira....

     

    @ Géneviève Auvergne

    Je me souviens de cette histoire, c'était en Ariège... Bien que bien enneigée en ce moment, c'est un havre de douceur comparée à la Sibérie ! Beaucoup de gens qui fuient le monde dans ce département, ça se voit et ça se sent.... 

     

    @ Cardamone

    Beaucoup de plaisir pour moi à partager cette lecture, contente si c'est en plus convaincant

     

    Belle semaine à vous, bises

    Esclarmonde

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